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Stealth Computing

CPU, registres et caches : le triangle oublié des mécanismes défensifs

27 mai 2025
7 min
CPU, registres et caches : le triangle oublié des mécanismes défensifs

Et si l’exécution furtive exploitait non pas la mémoire vive ou le disque, mais les composants les plus internes du processeur ? Focus sur un terrain encore trop peu surveillé : les registres, les caches, et l’architecture CPU elle-même.

La face cachée de l’exécution

Quand on parle de détection en cybersécurité, on pense processus, mémoire RAM, appels systèmes. Or, l’architecture d’un CPU moderne — notamment en x86 — offre des espaces d’exécution ultrarapides et peu ou pas surveillés : registres généraux, registres spéciaux (XMM, YMM, ZMM), caches L1 à L3, buffers internes. Ces composants, conçus pour optimiser la performance, peuvent aussi — en théorie — héberger des comportements furtifs.

Ces zones sont extrêmement volatiles, non persistantes, et rarement accessibles par les outils de sécurité standards. Pourtant, dans une architecture aussi complexe que celle d’un Intel ou AMD moderne, elles représentent un véritable espace noir : invisible aux EDR, opaque aux antivirus, difficilement instrumentable par le système d’exploitation lui-même.

Ce que les mécanismes défensifs ne peuvent voir, ils ne peuvent pas défendre. Les caches et registres deviennent alors des alliés idéaux pour une exécution furtive.

Usages légitimes vs détournements possibles

Dans un usage classique, les registres servent à stocker temporairement des données ou des adresses pendant l’exécution d’un programme. Les caches L1/L2/L3 réduisent la latence d’accès aux données. Rien de malveillant là-dedans : ce sont des mécanismes d’optimisation essentiels au fonctionnement du CPU. Mais leur fonctionnement interne peut être théoriquement exploité pour autre chose.

Par exemple, un shellcode peut être découpé et inséré dans une séquence de registres XMM, utilisé sans jamais écrire dans la mémoire principale. De même, des techniques basées sur l’abus de la mémoire cache — comme **Cache-as-RAM**, connue dans certains bootloaders — montrent qu’un environnement d’exécution ultra minimaliste est possible sans RAM classique. Le CPU devient alors un exécuteur temporaire de logique furtive, sans empreinte observable par les outils traditionnels.

Le CPU comme plateforme d’évasion

L’architecture x86 moderne comprend plusieurs zones peu surveillées : les buffers de micro-opérations (uOps), les registres de préchargement, ou encore les files d’attente internes pour les instructions. Ces composants peuvent, dans des cas extrêmes, être utilisés pour loger de petites charges utiles, exécutées en dehors de toute mémoire allouée officiellement. Certaines publications sur les side-channels, comme Meltdown ou Spectre, ont déjà mis en lumière l’opacité de ces structures internes.

Ces idées ne sont pas (encore) viables à grande échelle, mais elles poussent les chercheurs à réfléchir autrement : et si le code malveillant ne résidait plus dans un binaire, ni dans un segment mémoire, mais dans le cœur même du processeur, pendant quelques microsecondes ? Une forme d’exécution quantique, insaisissable car éphémère.

Vers une cybersécurité post-mémoire

Ces scénarios forcent à remettre en question l’angle mort des solutions de sécurité actuelles : leur dépendance à la mémoire principale et aux événements système. Le CPU, avec ses couches internes, devient un vecteur potentiel d’attaque... et de détection future. L’analyse comportementale au niveau microarchitectural, la surveillance des compteurs de performance (PMU), ou la corrélation fine de séquences d’instructions pourraient constituer des pistes défensives.

La défense doit descendre plus bas dans la pile. Comprendre et modéliser ce triangle CPU–registres–cache, c’est ouvrir une nouvelle frontière dans la cybersécurité défensive. L’époque où la mémoire vive était la seule scène de crime est peut-être en train de se terminer.

Gallemard Dylan

Gallemard Dylan

Fondateur de Zeus Corporation et Virtus Imperium, passionné par la résilience, la créativité et le développement personnel.

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